une petite ballade au pays inconnu

une petite ballade au pays inconnu

le docteur (part1) by francine

Dans un petit patelin, vivait un brave médecin. Après le curé, c’était l’homme le plus mémorable de la région. Le confessionnal de l’âme et le cabinet du docteur, étaient des lieux très fréquentés. Il faut dire que les deux hommes demeuraient disponibles pour toute personne dans le besoin. Chaque dimanche, après la messe, le curé se précipitait à la porte de l’église pour saluer ses paroissiens, puis il accompagnait joyeusement le docteur et son épouse pour partager le repas. Le notaire et sa femme faisaient également partie des amis intimes du docteur. On entendait dire que le vin faisait délier toutes les langues même celle du curé. Au printemps, le docteur et son épouse organisaient une grande fête pour tous les villageois. L’abondance était comme jetée à la figure des pauvres gens et l’épouse du docteur grimaçait des sourires en racontant, à qui voulait l’entendre, comment son mari soignait même les pauvres. Malgré ce repas préparé avec soin, cette femme demeurait une étrangère aux yeux des villageois. On lui reprochait un orgueil démesuré. Ce moment de convivialité servait de prétexte pour exhiber les peintures, les sculptures ainsi que les connaissances musicales et littéraires de cette bourgeoise. On la soupçonnait d’avoir peur des pauvres. Pour les villageois, une femme qui porte toujours des gants et un chapeau, cache toujours quelque chose de pas très joli. On racontait également que la «  doctoresse » avait aussi peur des chiens. Quelques campagnards l’avaient aperçue dégringoler un jour le sentier après avoir croisé l’ermite et son chien jaune. Les gens avaient bien rigolé de voir cette femme hautaine perdre son chapeau et tomber sur son postérieur. L’ermite avait voulu l’aider à se relever mais elle s’était mise à courir comme si on la pourchassait. Le jour de la mort du brave docteur, tout le monde resta sans mots (maux). Même sa femme demeura statufiée quelques instants. Il faut dire que le médecin était mort assis dans son fauteuil sans rien dire. La veuve se reprit vivement et elle organisa avec minutie l’office religieux. Secondée par le curé, elle ne laissa rien au hasard. Tout se devait inoubliable et parfait. On vit défiler beaucoup de gens au salon funéraire et on présenta les condoléances à la veuve mais peu de personnes s’attardèrent. Avant de transporter le cercueil à l’église, la femme du médecin se retrouva seule devant son mari. Elle semblait ne pas savoir quoi ni que faire. Elle appela le curé qui partagea cet instant solennel. Puis, ce fut le trajet derrière le corbillard jusqu’à l’église. Plusieurs paysans se recueillaient déjà sur la mémoire de cet homme honnête et généreux. Dans le jubé, on pouvait entendre des soupirs, des chuchotements et même des fous rires. Bien cachée derrière son voile de veuve, l’épouse du docteur épiait les moindres détails. Le curé et le notaire firent un hommage des plus élogieux sur le brave docteur. Même l’éclairage semblait impeccable pour cette dernière représentation. Les rayons de soleil irradiaient l’aile et l’âme de plomb d’un vitrail. La qualité du bois pour la confection du cercueil et les fleurs déposées avec soin sur le couvercle, laissaient transparaître les goûts sophistiqués de la veuve. Un ténor de grande renommée, vint chanter le Avec Maria et une chorale accompagna le ténor pour le Panis Angelicus. Puis, les porteurs avancèrent dans les nefs latérales pour entourer peu à peu le cercueil du brave docteur. Le clocher de l’église se mit à carillonner et les six porteurs avancèrent doucement vers la sortie. La veuve, le mouchoir à la main, suivait de très près le curé puis arrivaient le notaire et son épouse, en arrière, la masse grouillante des petites gens du village. Au moment où les portes de l‘église s’ouvrirent complètement pour laisser passer le cortège funéraire, un grand chien jaune et très maigre se mit à hurler «  à la mort ». Tout à coup, un corps sans vie s’écroula devant le cortège. La veuve, perdant toute contenance, se mit à hurler comme le chien jaune. Elle n’arrêtait plus de crier : « Tu ne devais pas venir, tu l’avais promis… » Tout le monde se regardait sauf le curé qui fuyait le regard de ses paroissiens. Puis, dans un souffle à peine audible, on entendit : «  Toi, mon frère, pourquoi m’as-tu fait ça? Venir ici et mourir bêtement devant nous? »



14/05/2011
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